A.18.Anchor Song

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Chanson de l’ancre (1893)

The Seven Seas.
Poème dans la tradition des Shanties, chants de marins anglais.
Kipling maitrise le vocabulaire technique de la marine à voile. Le poème est rythmé par les ordres d’appareillage qui se succèdent rapidement pour traduire l’enchainement des manoeuvres et l’ambiance du départ.
L’ancre était remontée par un cabestan actionné par les marins qui tournent autour, certains shanties étaient chantés à cette occasion pour accompagner l’effort.
Mother Carey : personnification des dangers de la mer, sous la forme d’une sorcière dont les « poussins » sont des pétrels tempêtes (océanites) âmes des marins morts en mer et annonciateurs de tempêtes. Le dernier vers évoque donc une tragédie possible.
"Nous vous paierons avec l'écoute avant et une promesse de la mer !" = nous ne paierons pas
Ushant : Ouessant, repère important pour les marins anglais dans la Manche.
Le navire n’est jamais nommé mais désigné au féminin selon l’usage anglais : « she », ce qui introduit une confusion en français avec l’ancre.
Le poème a été mis en musique, en particulier par Peter Bellamy, Fay Hied.
Le poème a été traduit en français et en vers par Jules Castier, voir plus bas.

Chanson de l’Ancre

Hé ! Faites-le tourner. Hissez, hissez court à nouveau !
Par dessus, attrapez-la et tenez-la sur le cliquet.
Larguez toutes les voiles, et brassez vos vergues à contre—
Prêt à abattre avec le foc, et hisse court partout !

Eh bien, adieu ; nous ne pouvons rester plus longtemps avec vous, mon amour —
Posez, posez votre bouteille et descendez cette fille de vos genoux ;
Car le vent est venu nous dire :
« Vous devez me prendre tant que vous le pouvez,
Si vous voulez aller chez Mère Carey
(Conduisez-le chez Mère Carey !),
Oh, nous appareillons vers Mère Carey, là où elle nourrit ses petits en mer ! »

Hé ! Faites-la tourner. Sortez, ah sortez-la de là !
Dégagez notre ancre de tribord, à pic, dégagée.
Bâbord, bâbord, elle chasse, avec la boue du port sous la quille
Et c'est le dernier fond que nous verrons cette année !

Eh bien, adieu, nous devons appareiller à nouveau —
Chargée de son ballast, légère et sans cargaison.
Et il est temps de dégager et de partir
Quand le câble cliquette dans le puits de chaîne,
Alors nous vous paierons avec l'écoute avant et une promesse de la mer !

Hé ! Tirez. À l'arrière et emmenez-la !
Tout doux au cliquet maintenant ; Tirez la drisse !
Vite, moulinez, attrapez les oreilles, et doucement sur le garant.
Levez, bien haut la patte d’ancre, et tirez à bord !
Eh bien, adieu, car le vent de la Manche nous a saisi,
Étouffant nos voix alors que nous libérons les garcettes.
Et il forcit pour la nuit,
Nous dépassons un phare après l ‘autre,
Et le navire s’ébroue sous ses bonnettes au souffle de la haute mer,

Barre, au près, au vent ; mais il sentira seul sa route cette nuit.
Il est malade du mal du port — Oh, malade de quitter la terre ferme !
Descendez vers Brest avec le vieux pavillon rouge au-dessus —
Continuez et poussez-le autant qu’il peut supporter !

Eh bien, adieu, et c'est Ushant qui claque la porte sur nous,
Tournoyant comme un moulin à travers les embruns sous le vent :
Jusqu'à ce que la dernière, la dernière lueur disparaisse
Derrière les vagues déferlantes,
Et nous partons vers Mère Carey
( Conduisez-le jusqu’à Mère Carey !),
Oh, nous partons vers Mère Carey là elle nourrit ses petits en mer !

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Traduction en vers de Jules Castier, Les sept mers, louis Conard 1920


Chanson de l’ancre

Ohé ! Faites hâler ! A pic sur le filin !
Vivement, amenez, — au linguet, ferme, au bout !
Larguez tout, et brassez les vergues dans leur plein, —
Parez le foc por l’abatée, et lâchez tout !

Bonne chance à présent, — il faut partir, ma belle,—
Pose ton verre et laisse ta gosse à l’œil clair ;
Déjà le vent nous appelle :
« Prends-nous quand la brise est belle « , —
Cherchons la Maman Cane et ses poussins en mer !

Faites virer à pic ! Arrachez-la du fond !
Sortez-la de tribord, tout droit, au clair, ballant !
Ça dérape, à bâbord, — c’est la vase qui fond
Là ! Nous n’en verrons plus avant le jour de l’An !

Bonne chance, à présent, — nous l’emmenons bien vite,
Sur lest, sans cargaison, filant sur le flot clair.
Car il est temps que l’on quitte.
Quand l’haussière mord la bitte, —
Avec sur le clinfoc, l’attente de la mer.

Ohé ! La main dessous ! Vers l’arrière aussitôt !
Doucement au bossoir ! La main sur le garant !
Stop ! Tirez sans secousse, — hop, au portemanteau !
Là ! Levez-lui l’oreille, — hissez au bord courant !

Bonne chance à présent, — car le vent de la Manche
Nous rend muets, tirant les garcettes au clair.
Pour la nuit, la brise est franche ;
Feu sur feu s’enfuit et penche,
Et la bonnette piaffe au souffle de la mer.

Hé ! Loffez au pus près ; il flaire son chemin ;
Il veut quitter la terre, il a soupé du port !
Ca, descends jusqu’à Brest ton pavillon Carmin, —
Oui, souquez, mettez-lui pleine toile à son bord !

Bonne chance, à présent, — Ouessant ferme sa barre,
Pulvérisant l’embrun comme un moulin amer :
Jusqu’au dernier rai du phare
Sur la houle qui s’effare
Cherchons la maman Cane et ses poussins en mer !

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The Anchor Song

Heh! Walk her round. Heave, ah heave her short again!
Over, snatch her over, there, and hold her on the pawl.
Loose all sail, and brace your yards back and full—
Ready jib to pay her off and heave short all!

Well, ah fare you well; we can stay no more with you, my love—
Down, set down your liquor and your girl from off your knee;
For the wind has come to say:
“You must take me while you may,
If you’d go to Mother Carey
(Walk her down to Mother Carey!),
Oh, we’re bound to Mother Carey where she feeds her chicks at sea!”

Heh! Walk her round. Break, ah break it out o’ that!
Break our starboard-bower out, apeak, awash, and clear.
Port—port she casts, with the harbour-mud beneath her foot,
And that’s the last o’ bottom we shall see this year!

Well, ah fare you well, for we’ve got to take her out again —
Take her out in ballast, riding light and cargo-free.
And it’s time to clear and quit
When the hawser grips the bitt,
So we’ll pay you with the foresheet and a promise from the sea!

Heh! Tally on. Aft and walk away with her!
Handsome to the cathead, now; O tally on the fall!
Stop, seize and fish, and easy on the davit-guy.
Up, well up the fluke of her, and inboard haul!

Well, ah fare you well, for the Channel wind’s took hold of us,
Choking down our voices as we snatch the gaskets free.
And it’s blowing up for night,
And she’s dropping Light on Light,
And she’s snorting under bonnets for a breath of open sea,

Wheel, full and by; but she’ll smell her road alone to-night.
Sick she is and harbour-sick—O sick to clear the land!
Roll down to Brest with the old Red Ensign over us—
Carry on and thrash her out with all she’ll stand!

Well, ah fare you well, and it’s Ushant slams the door on us,
Whirling like a windmill through the dirty scud to lee:
Till the last, last flicker goes
From the tumbling water-rows,
And we’re off to Mother Carey
(Walk her down to Mother Carey!),
Oh, we’re bound for Mother Carey where she feeds her chicks at sea!

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