A.04. After the Fever, or, Natural théology in a Doolie

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            Après la Fièvre ou Théologie naturelle dans une doolie. (1885)

Pioneer
Ce poème n’a jamais été publié par Kipling.
Un jeune administrateur du Bengal Civil Service (B.C.S) mourant à la suite d’une attaque de fièvre est transporté en litière à porteur (Doolie) en montagne dans l'espoir que l’air pur le guérisse.
Théologie naturelle : basée sur la Nature et l’expérience, et non sur une Révélation divine. Malgré le matérialisme affiché, le narrateur évoque la réincarnation en fonction de ses bonnes et mauvaises actions.
Le titre et la première citation (deux premiers vers de
A Grammairien Funerals) renvoient à l'oeuvre de Robert Browning (1812-1889) poète admiré par Kipling, dont il imite ici la forme du monologue dramatique, et l'utilisation des coupes et enjambements.
Barja : milllet
Siste Viator : inscription latine figurant sur certains monuments antiques, en particulier les tombes : "Passant, fais une pause".



Après la fièvre ou Théologie naturelle dans une doolie

JONES, B.C.S ; soliloque :
« Commençons et portons ce corps,
En chantant tous ensemble. » Ainsi leur chant pour moi
Résonne toute la journée, ascension haletante et agitée,
Au-delà des haies de cactus et des chênes de la plaine,
Et ici, à midi, le sentier de montagne balayé par le vent ;
Et les rochers et les pins mille pieds plus bas.
Arrachés des mâchoires de la Mort me disent-ils. Perdu
De si près qu'ils m'ont cru vraiment mort
il y a seulement deux jours. Maintenant, Lazare,
Incertain parmi ses compagnons fantômes, qui entend
Le « Lève-toi ! Et marche ! » Et se demande : — « Est-ce moi qu’on appelle ? »
Ouais. Suis-je appelé ? L'appel est faible du moins.
Le vent des neiges effleure ma joue
Et murmure un demi-fragment de cet appel — « Lève-toi ! »
« Debout ! sois guéri ! » Qui sait si j’entends bien ?
Une autre fantaisie de la fièvre qui reste
Pour se moquer de moi. C’est peut-être le cas. Après tout
Et si je trouvais ma réponse autrement,
À six miles d’ici ? Ramper jusqu’à la crête nue,
Et ainsi rencontrer Dieu là, juste devant les neiges ?
Rencontrer Dieu là — C’est un autre mot pour la Mort.
Il y a à peine trois semaines, avec toute ma vie illuminée
Et flamboyante par mon travail, mes pensées, l’action et les faits,
J’aurais dû le ressentir. La main d’Edith
Derrière mon oreiller ; mon rapport à moitié terminé ;
Le hennissement de la jument baie dans l’écurie ; Smith,
Qui me déteste comme je le déteste (ainsi nous nous aimons
D’une manière inversée) m’auraient ramené
A la vie, à moitié fou de peur face à la Mort.
Et maintenant ! Pourquoi la Mort est sur moi, comme ils l’ont dit —
Ma demi-chance, les brises des montagnes. Pas un espoir
Ni une peur pour jouer avec. Edith ; Smith, le reste —
Rapports, Amour, cheval, travail, position, salaire —
Que des ombres. Je suis le seul de chair et de sang
De ce côté de la tombe — et je suis plus fantôme que chair.
Aucun mérite alors pour le sang-froid. Vie ou Mort !
Un cheveu peut faire pencher la balance. Juste une averse,
(Ce nuage peut l’apporter) dix petites minutes de pluie
(Ils ont dit qu’un refroidissement me tuerait). Puis Smith à son avancement
Et quelque chose de plus long qu’un avancement pour moi…
Que le nuage noir éclate ou quitte le pin
Pour arroser le bajra vers le nord, je suis content.
Je m'en fiche. La chair doit soutenir le cerveau
Pour l’obliger à s’accrocher à la vie ainsi. En haut ou en bas
Le balancier monte et je le regarde sous mes couvertures —
Vie, Mort, le Jugement et le reste
Tout enveloppé dans ce nuage là. Le Bon Dieu est bon.
Je ne pouvais pas affronter la Mort vivant, La chair et le sang
Soutiendront l’esprit, et je tremblerais. La Mort
Est bonne. Elle me prend doucement, par degrés
Pas d’un seul coup. Remission, repos,
La moitié de la récolte avant la récolte entière. Le pouvoir d'abord
D'agir, d’écrire, de penser, d’espérer, de prier ;
Et puis la suite. Mais ce n’est pas juste.
Les hommes ne sont pas libérés pour toujours. cerveau et cœur
Reviennent, ou alors où serait le monde ?
Et après le Jugement ? Quelle est ma croyance déjà ?
Je suis un Matérialiste, et après la Mort
Je me juge dans l'Espace, seul et sans contrôle —
Et pourtant le bilan dépasse mon propre contrôle ;
Et auto-condamné, je passe à ma nouvelle vie
Supérieure ou inférieure, selon le bilan.
Ce n’est pas une notion de Darwin. Le Bouddhisme
Mélangé avec une demi-douzaine de vieilles croyances,
Et l’amour pour Edith... Voici ma pensée revenue
Et la Terreur avec elle. Face à face avec la Mort !
Ces six cochons noirs de porteurs pour m’aider à franchir la porte,
« Je me juge seul, sans contrôle. » Pas d’aide !—
« Et pourtant le passé échappe à mon propre contrôle »—
« Plus haut ou plus bas, selon le bilan. »
Mon Dieu ! Je savais que les hommes ne pouvaient pas mourir comme des bêtes !
Pensée, Mémoire et Raison tout à la fois ;
Et personne près de moi. La ferme main blanche d’Edith
Pourrait me soulager de quelques pouces dans le gouffre,
Comme la Sienne me poussera plus profondément, et Ses yeux
Me dessècheront plus vite que les flammes en dessous.
Les Siens — Non, pas Ceux d'Edith. Edith m’aurait aidé —
Sauvé peut-être... Six cochons noirs ! ... Les hommes ne meurent pas drogués !

* * * * *
Siste viator. Voici la doolie encore
Et personne ne parla ; du moins en latin. La Mort
M’a quitté quand elle m’avait à la gorge —
Le nuage noir vers le nord. C’était la Vie, alors, de retour
Plus terrible que la Mort... Pensée... Mémoire
Et Raison... et les souffrances de l’Enfer... mais la Vie —
La Vie après tout. Pas de Dieu devant les neiges.
Mon cas est ajourné ! La loi de Dieu est bien comme la nôtre.


After the Fever, or, Natural Theology in a Doolie

JONES, B.C.S. soliloquises:

'Let us begin and carry up this corpse,
Singing together.' So their song to me
Sounds all the day long, racking, restless climb
Past cactus hedge and scrub-oak of the down,
And here at noon the wind-swept mountain path;
And rock and pine a thousand feet below.
Out of the jaws of Death they tell me. Lost
So nearly that they thought me dead indeed
Only two days ago. Now Lazarus,
Uncertain 'mid his fellow-ghosts, who hears
The 'Rise! come forth!' And wonders: —'Am I called?'
Aye. Am I called? The call is faint at least.
The wind across the snows comes to my cheek
And murmurs some half fragment of it —"Rise!"
"Stand up! be healed!" Who knows I hear aright?
Another fancy of the fever left
To mock me. It may be so. After all
What if I found my answer otherwise
Six miles ahead? Crawled to the naked ridge,
And so met God there, just in front the snows?
Met God there —That's another word for Death.
Three weeks ago, with all my life alight
And blazing into work, thought, deed and fact,
I should have shuddered at it. Edith's hand
Behind my pillow; my report half done;
The bay mare's whinny in the stable; Smith
Who hates me as I hate him (so we love
In some inverted fashion) would have held
Me back to life, half mad with fear at Death.
And now! Why Death's upon me, so they said—
My one-half chance hill breezes. Not one hope
Or fear to play with. Edith; Smith, the rest, —
Reports, Love, horseflesh, work, position, pay —
All shadows. I'm the only flesh and blood
This side the grave —and I'm more ghost than flesh.
No credit then for coolness. Life or Death!
A hair may turn the balance. Just one shower,
(That cloud may bring it) ten short minutes' rain
(They said a chill would kill me). Then Smith's step
And something longer than a step for me ....
Whether the black cloud bursts or quits the pine
To drench the bajra northward I'm content.
I cannot care. The flesh must back the brain
To make it cling to life so. Up or down
The beam goes and I watch it 'neath my wraps —
Life, Death, the Judgment, and the rest of it
All swaddled in the cloud there. God is good.
I couldn't face Death living, Flesh and blood
Would back the brain, and I should tremble. Death
Is good. He takes me gently, by degrees
Not the full cess at once. Remission, rest,
The half crop ere the whole one. Power first
To act, to write, to think, to hope, to pray;
And then the aftermath. But that's unfair.
Men aren't let off forever. Brain and heart
Come back again, or where's the world to be?
And after Judgement? What's my creed again?
I'm a Materialist, and after Death
I judge myself in Space, alone unchecked—
And yet the record past my own control;
And self-condemned pass on to my new life
Higher or lower as the record runs.
That isn't Darwins's notion. Buddhism
Mixed up with half-a-dozen old beliefs,
And love for Edith ... Here's my thought returned
And Terror with it. Face to face with Death!
Those six black swine to help me through the gate,
"I judge myself alone, unchecked." No help!—
"And yet the record past my own control"—
"Higher or lower as the record runs".
My God! I knew men couldn't die like beasts!
Thought, Memory and Reason all at once;
And no-one near me. Edith's firm white hand
Might ease me some few inches down the pit,
As Hers will push me deeper, and Her eyes
Shrivel me quicker than the flames below.
Hers — No, not Edith's. Edith would have helped—
Saved maybe ... Six black swine! ... Men don't die drugged!

* * * * *

Siste viator Here's the doolie still
And no-one spoke; at least in Latin. Death
Gone from me when he had me by the throat—
The black cloud northward. It was Life, then, back
More terrible than Death ... Thought ... Memory
And Reason ... and the pains of Hell ... but Life—
Life after all. No God in front the snows.
My case postponed! God's law is much like ours.

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