La Ballade du Bois du Puit-de-Mine.(1910)
Rewards and Fairies
Ouvre la nouvelle : The Tree of Justice. Dans les 2 textes, le bois où l’on braconne est aussi un point de passage entre deux mondes.
Le bois existait non loin d’une résidence de Kipling.
Le récit entre dans le cadre magique et merveilleux de la série des Puck.
Lanterne verte : signe de présence magique, fées ou lutins : le Peuple des Collines.
Chair et Sang : hommes par opposition au Peuple des Collines (expression biblique)
Le Peuple magique demande de poser arbalète et couteaux car le fer contrarie leur pouvoir, il y a sans doute également un sens symbolique à se dépouiller de ses armes avant de tomber dans le puit.
Lutin traduction de Pharisee : mot dialectal pour « fairie » qui renvoie en anglais aux êtres magiques sans distinction de sexe, et pas seulement aux « fées » catégorie féminines en francais, traditionnellement traduit par « lutin » ; Vallette traduit d’ailleurs par un « fé ». Kipling utilise des tournures évoquant le parler rural du Sussex ( prononciations, lexique, tournures syntaxiques, répétitions) qui évoquent à la fois le monde du conte et celui de la campagne que je n’ai pas cherché à rendre dans ma traduction.
Mise en musique par Peter Bellamy : Il en existe plusieurs versions.
Traductions : en prose par Jean-Claude Amalric La Pléiade 3.
en prose par Jacques Vallette, qui cherche à transcrire la tonalité rustique du texte original. Retour de Puck, 1980.
La ballade du Bois du Puits-de-mine
À l'heure où ferment les tavernes
Et où l'on ne peut plus acheter de bière,
Deux garçons montèrent à la cabane des gardes-chasse
Pour voler les cerfs de Lord Pelham.
La Nuit et l'Alcool leur montaient à la tête.
Ils riaient et parlaient sans retenue,
Si bien qu'ils réveillent les gardes dans leur lit
Et les gardes lâchèrent les chiens.
Ils avaient tué un cerf, ils avaient tué une biche,
Prêts à les emporter,
Quand ils entendirent un gémissement sous le vent
Et ils entendirent un chien de chasse aboyer.
Ils partirent en courant à travers la fougère,
Leurs arbalètes à la main,
Jusqu'à ce qu'ils rencontrent un homme avec une lanterne verte
Qui les appela et leur ordonna de s’arrêter.
« Que faites-vous, ô Chair et Sang,
Et quelle est votre folle décision,
De pénétrer le Bois du Puit-de Mine
Et de réveiller le Peuple de la Colline ? »
« Oh, nous avons fait pénétré dans le domaine de Lord Pelham,
Et tué le cerf de Lord Pelham,
Et si jamais vous avez entendu un petit chien aboyer,
Vous saurez pourquoi nous sommes ici.
Nous vous demandons de nous laisser passer,
Aussi vite que possible,
Car si jamais vous entendiez un chien de chasse hurler,
Vous sauriez combien nous sommes pressés. »
« Oh, posez vos arbalètes sur la berge,
Et lâchez vos couteaux,
Et même si les chiens vous pressent,
Je vous sauverai là où vous êtes ! »
Ils posèrent leurs arbalètes sur la berge,
Ils jetèrent leurs couteaux dans le bois,
Et le sol devant eux s'ouvrit et s'enfonça,
Et les sauva là où ils se trouvaient.
« Oh, quel est ce grondement dans nos oreilles,
Qui nous rend presque muets ? »
« Oh, c'est bien ainsi que les choses paraissent,
Selon comment elles surviennent. »
« Quelles sont les étoiles devant nos yeux ?
Qui nous rendent presque aveugles ?»
« Oh, c'est ainsi que les choses se présentent
Selon comment on les trouve.»
« Et pourquoi notre lit est-il si dur à nos os ?
Sauf là où il est froid ?»
« Oh, c'est parce qu'il est fait de pierres précieuses
Sauf là où c’est de l'or. »
Réfléchissez-y, à votre place
Car je vous le dis sans tromperie :
Si vous n'êtes pas entrés au Pays des Fées
Vous n'êtes pas à la geôle de Lewes. »
Ils y pensèrent toute la nuit,
Et, à l'aube, ils virent
Qu'ils étaient tombés dans un ancien puit profond,
Au fond du Bois du Puit-de-Mine.
Le chienne du garde les avait suivis de près,
Et s'était brisé le cou dans sa chute ;
Alors ils ramassèrent leurs couteaux et leurs arbalètes
Et enterrèrent le chien. C'est tout.
Savoir si cet homme fut aussi un braconnier
Ou un lutin si hardi ?
Je pense qu'il y a plus de choses racontées que de vérités.
Et plus de vérités qu’on n’en raconte.
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Traduction de Jacques Vallette, Retour de Puck, 10:18 .1980
BALLADE DU BOIS DU PUITS-DE-MINE
Environ l’heure où ferment les bistrots, où l’on n’achète plus de bière, passaient deux gâs par devant chez les gardes, en braconne chez Lord Pelham.
De nuit et de boisson la tête pleine, riant, chantant à cœur perdu, ils ont fini par éveiller les gardes : les gardes ont lâché les chiens.
L’un a tué-z-un daim, l’autre un daguet. Comme ils sont pour les emmener, le vent leur porte un son plaintif et doux, et la voix d’un limier qui donne.
Lors détalant, ils volent sur la lande, leurs arbalètes à la main… Voici qu’un homme avec un falot vert leur ordonne de s’arrêter :
« Ô chair et Sang que faites vous donc là, quel sot projet vous court en tête, que vous veniez envahir notre bois et troubler la Gent des Collines? »
« Ah nous sommes entrés chez Lord Pelham pour braconner dessus ses terres, si vous oyez la voix d’un petit chien vous comprendrez bien qui nous sommes.
De grâce, laissez-nous poursuivre en paix, laissez nous partir au plus vite. Entendez-vous l’appel d’un limier ? Vous comprendrez ce qui nous presse. »
« Lâchez vos coutelas, et déposez sur le gazon vos arbalètes, et quand les chiens vous sauteraient au flanc, je vous veux sauver où vous êtes ! »
Sur le gazon tombent les arbalètes, leur coutelas dans le taillis et devant eux s’ouvre et manque le sol : les voilà saufs et sans un geste !
« Qu’est-ce donc qui gronde à nos oreilles et qui muets nous rend, ou presque ? —« Oh c’est ainsi qu’aux humains apparait toute chose comme ils la trouvent. »
« Et ces étoiles qui, frappant nos yeux, aveugles nous rendent ou presque ? »—« Oh c’est ainsi que se révèle à nous toute chose comme on la trouve. »
« Et pourquoi donc ce lit si dur aux os excepté là-z-où il nous glace ? »—« Oh c’est garni de pierres de grands prix, excepté là-z-où c’est en or »
« Pensez-y bien sans bouger d’où vous êtes, je vous le dirai sans manquer : si n’êtes pas dans la prison de Lews, n’êtes pas non plus chez les fées . »
Ils y pensèrent bien toute la nuit, quand vint l’aurore, ils s’aperçurent qu’avaient roulé dedans un grand vieux puits, au bas du bois du Puits-de-mine.
Des gardes le limier qui les suivait de si près, s’était rompu le cou ; ils prirent coutelas, arbalète, enterrèrent la chienne morte et ce fut tout.
Mais l’homme, était-ce un braconnier itou, ou peut-être un Fé plein d’audace ? — J’cré ben qu’on en dis pus qu’y n’en a de vrai, et qu’y n’en a pus d’vrai qu’on n’dit.
The Ballad of Minepit Shaw
“The Tree of Justice”
1
About the time that taverns shut
And men can buy no beer,
Two lads went up to the keepers' hut
To steal Lord Pelham's deer.
2
Night and the liquor was in their heads—
They laughed and talked no bounds,
Till they waked the keepers on their beds
And the keepers loosed the hounds.
3
They had killed a hart, they had killed a hind,
Ready to carry away,
When they heard a whimper down the wind
And they heard a bloodhound bay.
4
They took and ran across the fern,
Their crossbows in their hand,
Till they met a man with a green lantern
That called and bade 'em stand.
5
"What are ye doing, O Flesh and Blood,
And what's your foolish will,
That you must break into Minepit Wood
And wake the Folk of the Hill?"
6
"Oh, we've broke into Lord Pelham's park,
And killed Lord Pelham's deer,
And if ever you heard a little dog bark
You'll know why we come here.
7
"We ask you let us go our way,
As fast as we can flee,
For if ever you heard a bloodhound bay
You'll know how pressed we be."
8
"Oh, lay your crossbows on the bank
And drop the knives from your hand,
And though the hounds be at your flank
I'll save you where you stand!"
9
They laid their crossbows on the bank,
They threw their knives in the wood,
And the ground before them opened and sank
And saved 'em where they stood.
10
"Oh, what's the roaring in our ears
That strikes us well-nigh dumb?"
"Oh, that is just how things appears
According as they come."
11
"What are the stars before our eyes
That strike us well-nigh blind?"
"Oh, that is just how things arise
According as you find."
12
"And why's our bed so hard to the bones
Excepting where it's cold?"
"Oh, that's because it is precious stones
Excepting where 'tis gold.
13
"Think it over as you stand,
For I tell you without fail,
If you haven't got into Fairyland
You're not in Lewes Gaol."
14
All night long they thought of it,
And, come the dawn, they saw
They'd tumbled into a great old pit,
At the bottom of Minepit Shaw.
15
And the keeper's hound had followed 'em close,
And broke her neck in the fall;
So they picked up their knives and their crossbows
And buried the dog. That's all.
16
But whether the man was a poacher too
Or a Pharisee' so bold—
I reckon there's more things told than are true.
And more things true than are told.
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