Kipling est rarement un poète obscur, même s'il sait l'être, néanmoins il peut être utile de garder à l'esprit quelques petites choses en le lisant :
1. Un journaliste poète, ou un poète journaliste... La diffusion des poèmes de Kipling est assez différente de ce qu'on peut trouver chez les poètes français de la même époque. Journaliste, Kipling fait paraître beaucoup de poèmes dans les journaux, d'abord en Inde puis en Angleterre, diffusés ensuite dans tout le monde anglophone.
2. Un écrivain poète, ou un poète écrivain. Kipling mêle prose ét poésie. De nombreuses nouvelles sont introduites, voire encadrées, par des poèmes, qui peuvent également se glisser dans le récit.
Le lecteur français a donc déjà vu des poèmes de Kipling, sans peut être, comme moi, les avoir lus vraiment, retardant l'entrée ou la poursuite du récit. Or il s'agit d'autre chose que d'un paratexte décoratif, et les découvrir hors de leur contexte montre qu'il s'agit bien d'une composition dans laquelle prose et poésie se répondent et se complètent.
3. Un poète classique : Kipling joue avec l'héritage poétique et culturel anglais et multiplie les "A la manière de... " les hommages et les pastiches, reprenant les formes et les sujets traditionnels. Ses poèmes sont tissés de références littéraires qui manque le plus souvent au lecteur francais, et parfois au traducteur. Les références bibliques sont également nombreuses, plus ou moins explicites, plus ou moins repérables. Je ne donne que celles qui éclairent le texte, le relevé est beaucoup plus complet sur la page de la Kipling Society.
4. Un poète moderne : Contemporain de la révolution industrielle, anglais de l'Empire, grand voyageur, Kipling aime la technique, le Progrès et l'utilise dans ses poèmes. Poète populaire, il donne à entendre la voix, les voix de ceux qui font l'Histoire et ses histoires. Il fait entendre les accents, les argots, les sabirs, les pidgins. Nouvelle difficulté du traducteur confronté à des élisions signifiantes en anglais (-ing => in' ) mais intraduisibles au risque de rassembler dans un même pseudo patois le soldat et le marin, le babu et l'anglo-indien, le natif du Kent et l'Irlandais, l'Ecossais des Borders et le Londonien des beaux quartiers. Les traductions françaises de l'entre-deux guerres peuvent encore proposer des traductions " patoisantes" ou dans le style "not' bon maître" Bécassine ou la Comtesse de Ségur, mais elles me paraissent difficiles dans le français "standardisé" moderne. J'ai opté pour le minimum, perdant donc la plus grande part des accents, des parlers avec le seul bénéfice peut-être d'accéder aux paroles démaquillées, unique grâce peut-être de la traduction, en partie délivrée de la tradition.
Laisser un commentaire