B.2. The Ballad of Ahmed Shah

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                                      La ballade d’Ahmed Shah (c1886)

Le poème n’a jamais été édité par Kipling.
Le poème se passe à Lahore.
Petites Pilules Noires : opium, destinées à masquer les défauts des chevaux.
Trichi(nopoly) : cigare indien fait avec du tabac de Tiruchirappalli
Le dixième commandement : Tu ne convoiteras point le bien d’autrui

Pour éviter le recours aux notes les mots hindis sont traduits dans le corps du texte

La balladade d'Ahmed Shah

Voici la ballade d'Ahmed Shah,
Marchand de canassons au Sudder Bazar,
Près de la porte qui mène à la Mosquée d’Or,
Et comment il s’est fait avoir par un jeune de Morar.

Ahmed Shah était un homme pacifique,
Sa barbe et son turban luisaient de graisse,
Sa bedaine était énorme et sa parole lente,
Et il arnaquait à fond les jeunes officiers ,
Des dizaines d’entre eux venaient essayer
Les chevaux qu'il vendait— et finissaient par les acheter,
Des dizaines d’entre eux, plus tard,
Découvraient que leurs meilleures montures avaient « disparu »
Certaines au front, d'autres à l'arrière,
Certaines soufflaient, d'autres étaient devenues aveugles.
Des dizaines d’entre eux, en fumant leurs cigares
Maudissaient le vieil Ahmed et toutes ses « œuvres ».
Mais Ahmed Shah, était assis tranquillement dans sa ruelle —
Et fabriquait sans fin une Petite Pilule Noire !

Pourtant, le destin se préparait pour Ahmed Shah,
Comme dans un chaudron de sorcière, dans la lointaine Morar
Et le jeune homme qui le préparait avait les yeux bleus
Et ses joues étaient imberbes et juvéniles.
Il songeait doucement devant un cigare :
« Par la barbe du Prophète, j'ai trouvé le truc! »
Puis il se leva de sa chaise avec un sourire innocent
Et appela le sergent de batterie :
« Sergent, dit-il, auriez-vous pour moi
Un vieux canasson encore bien vigoureux ?»
Le sergent réfléchit et répondit lentement
« Il y a un hongre rouan qui doit passer
lors du prochain comité de réforme. Il ne sert à rien,
sauf à botter les recrues jusqu’en enfer
il est attaché dans la file des malades. »
Le front du jeune officier
se plissa un instant, pensif. Puis
le sergent s'enrichit de dix roupies.
« Lorsque le prochain comité se réunira, dit-il,
Sergent, achetez cette bête pour moi. »

Le complot fut donc préparé, des longues semaines passèrent
et le hongre rouan fut dûment vendu.
Ils le conduisirent enchaîné à l'écurie de l’officier
Et lui donnèrent sa ration à travers un trou dans le mur.
Le lieutenant fit le mélange. Lorsque le matin arriva
Le hongre rouan était étrangement docile.
Il ne mordait pas, ne ruait et n'essayait pas de tuer
Et lui et le lieut’ se rendirent au nord ce jour-là
Jusqu'à ce qu'ils arrivent dans la ruelle d'Ahmed Shah
L'homme et le cheval venus de la lointaine Morar.
L’officier déclara que ses fonds étaient au plus bas
Et qu'il venait— mehrabini (S’il vous plai)t—, pour « vendre karo (vite)».
Alors Ahmed Shah, les yeux écarquillés,
Enfreignit le Dixième Commandement du décalogue,
Car le rouan était un monstre par sa taille et ses muscles
Et mesurait plus de seize mains au garrot
« Sahib kitna mangta ? Combien veut le sahib ? » Le front serein
Le lieutenant répondit doucement « Teen Trois-cents ».
Il marchanda pendant une heure, ce marchand avare,
Jusqu'à ce que le prix soit baissé à deux-cent-cinquante roupies,
Et l'argent fut payé en roupies graisseuses,
Tandis que le hongre rouan rouge somnolait tranquillement.
Le lieutenant le quitta — et Ahmed sourit —
« Par Allah, comme cet enfant au visage rose est fou !
Je vais gaver ce ghorah (cheval) d'attah (farine) et de goor (sucre)
Et le revendre à un autre soor (cochon) d’anglais
Pour huit-cent-cinquante, c'est sûr ! » ... et alors qu'il parlait
Le diable qu'ils avaient drogué dans le rouan se réveilla !
Puis le licol se rompit et les entraves également.
Les étalons hennirent tandis que le rouan passait.
Les syces (palefreniers) coururent comme courent les hommes pour leur vie.
La cour fut troublée par les combats des chevaux
jusqu'à ce que la rage furieuse de la bête s'éteigne
et qu'il s'effondre endormi devant la porte d'Ahmed !

Alors, un voile se leva des yeux d'Ahmed
Et il souleva les paupières et se frappa les cuisses
Il sentit son pouls se relâcher, les muscles se détendre,
Et comprit le truc de la pilule d'opium !
Sa propre vieille combine qui lui avait tant rapporté
Avait été retournée par le lieutenant contre lui !

A-t-il blasphémé, alors que ses trois meilleurs chevaux boitaient
Et que la moitié de la ville allait entendre parler de sa honte ?
A-t-il saisi la justice ? Les yeux baissés,
Il a hélé un ekka (fiacre) qui passait en tintant,
Et s'est rendu à la gare, où, tranquille,
Le lieutenant comptait les roupies graisseuses.

Que s'est-il passé entre eux ? Je ne saurais le dire,
L’officier élude la question
Avec un rire innocent : mais les hommes de Morar
Disent qu'il reçoit toujours des poneys d'Ahmed Shah.
Des poneys sur lesquels parier—mais pas à acheter—
Des bêtes à regarder, mais des démons à fuir,
Et de temps en temps, une petite boîte de pilules.
Que le lieutenant met dans sa caisse privée,
Le toubib est complice.. Chaque fois que je le peux,
Je parie ma dernière chemise propre sur leur écurie !

The Ballad of Ahmed Shash

This is the ballad of Ahmed Shah
Dealer in tats in the Sudder Bazar,
By the gate that leads to the Gold Minar
How he was done by a youth from Morar.

Ahmed Shah was a man of peace—
His beard and turban were thick with grease:
His paunch was huge and his speech was slow
And he swindled the subalterns high and low,
Scores of subalterns came to try
The tats that he sold—and remained to buy,
Scores of subalterns later on
Found that their flashiest mounts were 'gone'—
Some in the front and some behind
Some were roarers and some went blind—
Scores of subalterns over their 'weeds'
Cursed old Ahmed and all his deeds.
But Ahmed Shah in his gully sat still—
And ever he fashioned a Little Black Pill!

Yet a judgement was brewing for Ahmed Shah,
Like a witches cauldron, in far Morar
And the youth that brewed it has eyes of blue
And his cheek was beardless and boundless too.
Softly he mused o'er a trichi thick:—
'By the Beard of the Prophet I've got the trick!'
Then he rose from his chair with an artless grin
And called the Battery Sergeant in—
'Sergeant' he said 'Hast aught for me
In the way of a "caster" with lots of gee?'
The sergeant pondered and answered slow
'There's a red-roan gelding that's bound to go
At the next Committee. 'E ain't no use
Excep' for kickin' recruits to the deuce,
'E's chained in the sick lines.'
The subaltern's brow
Was puckered with thought for a moment. Then
The sergeant was richer by rupees ten.
'When the next Committee sits' quoth he
'O Sergeant buy up that brute for me.'

So the plot was laid and the long weeks passed
And the red-roan gelding was duly cast.
They led him in chains to the subaltern's stall
And gave him his gram' through a hole in the wall.
The subaltern mixed it. When morning came
The red-roan gelding was strangely tame.
He bit not nor kicked nor essayed to slay
And he and the sub went north that day
Till they came to the gully of Ahmed Shah
The man and the horse from far Morar.
The subaltern stated his funds were low
And he came—mehrbani—to 'sell karo'.
Then Ahmed Shah with his eyes agog
Broke the Tenth Command in the decalogue,
For the roan was a monster in size and thews
And stood over sixteen hand in his shoes.
'Sahib kitna mangta?' With brow serene
The subaltern softly answered 'Teen'.
He haggled an hour, that dealer thrifty
Till the price was lowered to do sow fifty
And the money was paid in greasy rupees
While the red-roan gelding drowsed at his ease.
The subaltern left him—and Ahmed smiled—
'By Allah, how mad is this pink-faced child
I will stuff that ghorah with attah and goor
And sell him again to some English soor
For a clear eight-fifty!" ... and e'en as he spoke
The devil they'd drugged in the red-roan woke!
Then the head-ropes snapped and the heel-ropes drew
And the stallions squealed as the roan went through
And the syces ran as men run for life
And the yard was troubled with equine strife
Till the berserk-rage of the beast was o'er
And he dropped to slumber at Ahmed's door!

Then a veil was lifted from Ahmed's eyes
And he raised the eyelids and punched the thighs
Felt the tense pulse slacken—the muscles still—
And fathomed the Trick of the Opium Pill!
His own old dodge that had brought him pelf
Had the subaltern turned against himself!

Did he swear, though his three best tats were lame
And half of the city would hear of his shame?
Did he seek the law courts? With downcast eye
He hailed an ekka that jingled by,
And drove to the station, where filled with peace
The subaltern counted the greasy rupees.

What passed between them? I cannot say,
The subaltern turns the question away
With an innocent laugh: but the men of Morar
Say he still gets ponies from Ahmed Shah.
Ponies to bet on—but not to buy—
Weeds to look at but devils to fly
And once in a while comes a tiny pill-box.
Which the subaltern puts in his private till-box,
The Doctor abets him...Whenever I'm able
I plunge to my last clean shirt on their stable!

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