17. Dégazage 1

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A ce stade du calendrier, il serait sain de procéder à un petit dégazage. Il arrive que les tuyaux de mon entendement s’encalaminent de demi-croyances, de quart de pensées, d’arrière-pensées. Idées mal digérées, intuitions sans supports fiables, formules qui résonnent d’autant plus qu’elles sont creuses, et d’autant plus creuses qu’elles raisonnent. Des pistes aussi, parfois… Quelques éléments déjà utilisés aussi, mais un prof averti recycle tout. L''homme n'a que deux missions sur Terre, pas plus, et la première est de devenir moins con.
Pour y parvenir, une seule solution : nettoyer, se purger, se vider, dégazer, sinon comme dirait la mère Cezanne du Voyage au bout de la nuit :  " Je ne sais pas ce qu'ils mettent dedans, mais faudrait pas d'abord qu'elle sèche !... Je connais ça... Ils vous préviennent toujours trop tard !... Ils font exprès d'abord !... Où j'étais avant il a même fallu faire fondre un tuyau tellement que c'était dur !... Je ne sais pas ce qu'ils peuvent bouffer moi... C'est de la double !... "

D’abord ne pas nuire.
Ne pas prononcer de malédictions/prédictions/condamnations, et si possible détruire celles qui ont déjà été prononcées.
La réussite scolaire a peu à voir avec l’intelligence car la méthode scolaire y fait peu appel.
Assis 6 heures par jour c’est moins une éducation qu’un dressage. Soyons du moins des dresseurs captivants
Avoir été un bon élève n’aide pas à enseigner, en avoir été un mauvais non plus, enfin si.
Ce qui nous est le plus évident est le plus difficile à expliquer.
La meilleure méthode pédagogique est celle des ex-dresseurs d’orques de Marineland, parce qu’il ne faut pas faire chier une orque.
Enseigner s’enseigne-t-il ? Autant que n’importe quelle expérience, difficilement.
Si être prof c’est jouer un rôle, seuls les meilleurs peuvent se permettre d’être eux-mêmes, l’essentiel est que les élèves pensent voir un personnage ; vouloir être trop vite une personne à leurs yeux est une tentation dangereuse.
Le prof est un mur solide pour ceux qui souhaitent s’y cogner, mais un mur d’escalade qui offre toutes les prises nécessaires pour atteindre,  franchir le sommet et voir ce qu’il y a derrière.
La plus grande erreur : prendre les élèves pour des naïfs parce qu’ils sont jeunes, pour des cons parce qu’ils ne connaissent pas tout.
Ne jamais mentir. Si c’est obligatoire, préférer répondre à une question délicate par une question.
Il ne s’agit pas d’aimer ou d’être aimer, le respect est le terme bien plus difficile à définir qui convient.
On ne peut pas plaire à tout le monde, cela ne peut donc pas être l’objectif.
Enseigner ne consiste pas à transmettre un programme ou une technique, mais à en faire vivre l’expérience. Théâtraliser, jouer, faire rire ou émouvoir est la moindre des choses.
Le crime nécessaire : la répétition..
Certains prêtres en bout de course doivent mimer l’Eucharistie plutôt que de la vivre, de même certains profs avec leur enseignement. Les prêtres sont excusables, pas les profs, mais personne n’est en droit de leur jeter la pierre.
Le prof donne vingt représentations par semaine, pour un public majoritairement composé de critiques.
Le prof dit vingt messes par semaine, pour des paroissiens majoritairement athées.
L’institution s’occupe des généralités, le prof des cas particuliers : ils ne parlent pas de la même chose.
La société ne sait pas très bien ce qu’elle veut : l’école est l’expression de la société. .
Le prof doit tuer Charlemagne : il n’est plus là pour trier les bons des mauvais.
Enseigner à sa part d’ombre : classer, il n’y a pas de course sans perdants. Mais qui a décidé que c'était une course ?
Le but réel de l’école n’est pas l’épanouissement personnel, mais la sélection des individus.
Le but de l’école n’est pas la réussite de tous, mais du plus grand nombre, que faire des autres ?
La règle du jeu scolaire est trop cruelle pour ne pas être dissimulée.
L‘éducation devrait être une expérience de la démocratie aux règles transparentes pour que chacun soit acteur ; c’est le plus souvent une dictature.
Enseigner c’est exercer un pouvoir, très peu de gens savent le faire, et ça ne s’apprend nulle part.
L’exercice du pouvoir oscille entre l’abus et l’absence.
L’exercice du pouvoir est un moyen, pas un but.
C’est surprenant mais l’exercice du pouvoir coûte a celui qui l’exerce, celui qui en jouit devrait être tué.
Un prof est toujours trop long, la preuve.
Celui qui abolira la sonnerie méritera le Nobel.
Le rôle d’un prof est d’enseigner, tout le monde sait cela. Ce n’est pourtant pas l’activité qui l’occupe le plus, et c’est parfois impossible.
Le prof oscille entre deux positions également stupides : « Je suis nul » et «  Les élèves sont nuls ».
Un prof doit pouvoir reconnaitre les injonctions contradictoire de sa fonction. Il n’est pas toujours en son pouvoir de les refuser, mais il est vital de les reconnaitre et de ne pas les intégrer.
La classe est un refuge, pas une prison.
L’élève paresseux n’existe pas.
Avant l’éducation, le prof doit à ses élèves la sécurité.
Rien ne doit interrompre un cours sauf les élèves.
Les profs sont des gens comme les autres, même si je n’y crois pas une seconde.
Il est plus simple de parler des vacances des profs que de leur travail.
Etre prof, c’est devenir un souvenir d’enfance, si possible un bon souvenir.
En construisant sa propre méthode, on évite d’en changer tous les 5 ans et on a raison tous les 10 ans. Bien viser pour l'inspection.
Il existe tant de manière de faire cours, il est dans la logique de l’institution de vouloir les normaliser, et dans la logique des profs de résister.

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