La Ballade des voitures (1929)
Wardour Street Border Ballad
The Muse among the Motors
Ensemble de poèmes dédiés aux automobiles en pastichant un auteur ou un style. Ce poème fait partie de la dernière série.
Le sous titre renvoie à deux références distinctes réunies par Kipling dans ce double pastiche :
— Les Border Ballads liées à la très disputée frontière avec l’Ecosse et à sa sanglante histoire. Le surnaturel se mêle aux récits de batailles et de héros. Walter Scott en a collecté et raconté plusieurs. Kipling en a également écrit.
—Wardour Street : à Londres, à l’époque de Kipling, marché de l’occasion. L’expression désigne une manière de parler et d’écrire archaïque, inutilement affectée, juste pour faire « style »
C’est donc dans un style volontairement archaïque, qui mêle des tournures anciennes et idiomatiques écossaises que Kipling fait parler les voitures.
Baisser la visière : jeux de mots : visière/ capot = se mettre au travail
Cowley : Cette Morris était fabriquée à l’Usine de Cowley, il existait également un ordre religieux : les Pères Cowley, voitures et moines sont donc « parents »
La Ballade des voitures
(Ballade des Borders à la manière Wardour Street)
« Voilà le prix du dernier pour la route»,
dit le médecin agenouillé.
Lors il leur manda de l’emporter,
car il voyait que l’homme était occis.
Ils le relevèrent et l'allongèrent
(et, oh, il ne bougeait pas),
et ils le menèrent dans la ville la plus proche
pour attendre le Coroner.
Ils tirèrent le linceul sur son visage,
Ils clôrent les portes,
Et les voitures garées sur la place du marché
En devisèrent sur le champ.
Lors parla une large Daimler,
Qui avait un réservoir à lattes :
« Ainsi devons-nous purger la campagne
Et nul ne nous en remerciera.
« Car pendant qu'ils prient dans la Sainte Eglise
Pour que les âmes se détournent du péché,
Nous, nous baissons nos capots
Et ramassons les ivrognes. —
« Et si nous les épargnons à cette heure, —
Ou si leurs camarades les sortent (de sous les roues), —
Ils apprennent plus sous nos chassis
Qu'ils n'ont appris sur les genoux de leur mère. »
Lors parla une Armstrong audacieuse,
Et Siddeley était son nom :
« J'ai vu un homme gisant raide et froid
Près de Grantham alors que j'arrivais.
« Il y avait un virage aveugle près d'un ruisseau,
Une rambarde et un précipice :
Mais le sot ivrogne qui l'a dépassé
N'a pas été blessé du tout !
« J'ai foulé la route mouillée et sèche,
Mais aussi la voie ombragée ;
Et la raison pour laquelle cette âme innocente doit mourir
Je n’en puis raison trouver. »
Lors parla une Baby Austin :
Il y avait à peine de la place pour deux.
« C'est le temps et le lieu qui font le péché,
Et non l'acte qu'ils commettent.
« Car quand un homme conduit avec sa bien-aimée,
J'ai vu cela se produire
Qu'un bras trop proche ou une lèvre trop proche
A tué et le garçon et la fille.
« Il y avait une voiture au crépuscule
Et un baiser furtif à voler —
Dieu seul sait comment le couple est mort,
Mais je me souviens bien de l'enquête.
« J'ai foulé le goudron noir et la lande,
Mais aussi les pavés ;
Et pourquoi les jeunes vont à leur mort,
Je n'en puis raison trouver. »
Lors parla une Morris (Cowley) d’Oxenford,
(parente d'un moine de Cowley) :
« Comment juger les voies du Seigneur
Qui ne sont que d'acier et de feu ?
« Entre les fosses à vidange sous terre
Et les éclairs du ciel,
Nous ne faisons qu'aventurer et poursuivre
Comme notre homme le décidera :
« Et s'il a bu une pinte trop grande,
Aucune parenté ne peut nous pousser
À le ramener chez lui dans son sommeil pesant
Ou à épargner son amour qui l'attend.
« Il n'y a pas un seul chemin en Angleterre
Où un homme grisé puisse aller,
Sans devoir regarder de chaque côté,
Derrière lui et devant lui aussi.
« Mais il doit être paré pour toute occasion,
Au son du cor, à bondir
Soit se cacher dans le fossé proche
Soit sur la pente du talus.
« Et qu'il marche en buvant ou en rêvant,
Ou qu'il soit lié par son amour,
Nous n'avons pas l'esprit pour décider et choisir,
Mais nous devons tuer ou blesser. »
« » »
Ils retirèrent le linceul qui recouvrait son visage.
Le coroner le regarda ;
Et les voitures qui étaient garées sur la place du marché
Reprirent leur route aussitôt.
The Ballad of the Cars
(Wardour Street Border Ballad)
“Now this is the price of a stirrup-cup,”
The kneeling doctor said.
And syne he bade them take him up,
For he saw that the man was dead.
They took him up, and they laid him down
(And, oh, he did not stir),
And they had him into the nearest town
To wait the Coroner.
They drew the dead-cloth over the face,
They closed the doors upon,
And the cars that were parked in the market-place
Made talk of it anon.
Then up and spake a Daimler wide,
That carries the slatted tank:—
“’Tis we must purge the country-side
And no man will us thank.
“For while they pray at Holy Kirk
The souls should turn from sin,
We cock our bonnets to the work,
And gather the drunken in.—
“And if we spare them for the nonce,—
Or their comrades jack them free,—
They learn more under our dumb-iròns
Than they learned at their mother’s knee.”
Then up and spake an Armstrong bold,
And Siddeley was his name:—
“I saw a man lie stark and cold
By Grantham as I came.
“There was a blind turn by a brook,
A guard-rail and a fall:
But the drunken loon that overtook
He got no hurt at all!
“I ha’ trodden the wet road and the dry—
But and the shady lane;
And why the guiltless soul should die,
Good reason find I nane.”
Then up and spake the Babe Austin—
Had barely room for two—
“’Tis time and place that make the sin,
And not the deed they do.
“For when a man drives with his dear,
I ha’ seen it come to pass
That an arm too close or a lip too near
Has killed both lad and lass.
“There was a car at eventide
And a sidelings kiss to steal—
The God knows how the couple died,
But I mind the inquest weel.
“I have trodden the black tar and the heath—
But and the cobble-stone;
And why the young go to their death,
Good reason find I none.”
Then spake a Morris from Oxenford,
(’Was kin to a Cowley Friar):—
“How shall we judge the ways of the Lord
That are but steel and fire?
“Between the oil-pits under earth
And the levin-spark from the skies,
We but adventure and go forth
As our man shall devise:
“And if he have drunken a hoop too deep,
No kinship can us move
To draw him home in his market-sleep
Or spare his waiting love.
“There is never a lane in all England
Where a mellow man can go,
But he must look on either hand
And back and front also.
“But he must busk him every tide,
At prick of horn, to leap
Either to hide in ditch beside
Or in the bankès steep.
“And whether he walk in drink or muse,
Or for his love be bound,
We have no wit to mark and chuse,
But needs must slay or wound.”
" " "
They drew the dead-cloth from its face.
The Crowner looked thereon;
And the cars that were parked in the market-place
Went all their ways anon.
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